Sous le Signe de la Lune
Pendant des années, j'ai écrit par dizaines des textes de chanson, mis en musique parfois par moi-même (pas souvent) ou, la plupart du temps, par mon frère Fabrice. Plus tard, certains de ces textes ont fait l'objet d'enregistrements par le groupe Kobolds (avec un son très rock), d'autres ne méritent que l'indulgence de l'oubli, ceux que j'estimais les "meilleurs" ayant été rassemblés dans le recueil Sous le Signe de la Lune, illustré par Sylvain Baudrier.
Maldoror
Famille bien mystérieuse, à l'ascendance touchée
Par la grande faucheuse au bal des suicidés...
Toutes ces photographies voulant figer chacun
Sur un papier jauni, n'en n'oublièrent qu'un...
Un visage évanoui, disparu à jamais
Et pour toujours enfoui, conservant son secret...
Comment donc était-il ? Comment étaient ses yeux ?
Trop profonds ou subtils, lorsqu'ils scrutaient les cieux ?
Le nom a survécu au fil de ses écrits
Mais les ans ont perdu le lot des manuscrits,
Trésors des temps passés, avant que la gloire ne monte
A travers les années. Saluons Monsieur le Comte !
J'entends comme une voix apportée par le vent.
Chant de haine, chant de mort...
Et quand tout devient froid, tout devient inquiétant.
Tu as l'odeur du sang, Maldoror !
* * * * *
Entre Chien et Loup
Je regarde le feu derrière l'horizon.
Et tandis que s'élèvent les senteurs légères de la terre,
On voit briller des yeux clairs et profonds
Qui font naître les rêves, l'ailleurs, l'infini éphémère.
Entre chien et loup, le temps court.
La conscience se voile et s'éteint.
Je vais mourir comme le jour,
Pour un avenir incertain.
Puis la nuit apparait, inonde le ciel.
C'est le prélude d'un monde fait de mille rituels et égards.
Belle comme jamais et éternelle,
La lune semble si ronde, sa pâleur fixe les regards.
Les arbres qui se dressent fondent dans le noir.
Les rosées de la nuit couvriront le velours des fleurs.
Quand des visions d'ivresse transforment le soir,
Alors que tout s'enfuit, le silence dévore les heures.
J'entends naître la plainte,
Le cri profond de la bête traquée
Qui surmonte ses craintes,
Puis, dans un bond, s'échappe des fourrés.
* * * * *
Brouillards
Marchant, poussé par les vents
Puissants et soufflant au large,
Spectateur d'une existence
Ou l'esprit supplante les sens,
Vivant parmi les vivants
Mais étranger comme en marge,
Je poursuis ma sombre errance
Au hasard des providences.
Les sirènes qui m'entraînent
Dans les brouillards infinis
De cette aventure vaine
Egrènent le temps qui s'enfuit.
Je vais croiser ces regards
Qui ont l'air de me comprendre,
Mais je suis un autre que
Celui qui porte ces yeux.
Je flotte dans les brouillards
Sans réponse et sans apprendre
Ce que je fais parmi ceux
Qui semblent croire en ce jeu.
Ni les scènes de la haine,
Ni l'amour de ces jours,
Ne me font vraiment croire
A autre chose qu'au hasard.
L'âme flotte vers l'ailleurs,
Se détache et tourbillonne,
Invisible et solitaire,
Centre du monde éphémère.
Je te garde dans mon cœur,
Pauvre vie que je te donne,
Mais ces voyages impossibles
Seront toujours indicibles.
Et ces scènes qui me mènent
Aux frontières de la folie
M'attirent comme les phalènes
Des lumières de la nuit.
Le groupe Kobolds, en 2000